Vladimir Veličković répond à toutes ces définitions de la peinture philosophique : peindre le réel sans concession tel qu’il est, sans fioritures, loin de la décoration, dans le désir le plus cynique de représenter tel qu’en lui-même l’éternité ne l’atteint pas ; figurer le monde, en proposer une iconographie quintessenciée ; agir dans le registre de la chose mentale ; fabriquer des icônes païennes à même d’exprimer le sacré laïque et immanent ; puis peindre un objet spécifique, et ne peindre que lui : le tragique, le réel tragique, l’homme tragique, la situation tragique, l’ambiance tragique, en un mot, peindre la catastrophe sous toutes ses formes. Depuis presque un demi-siècle, il ne vit et ne travaille que pour rapporter des images de ce monde.
L’ensemble de sa production se place sous cette obsession permanente. Si Bergson a raison de dire qu’un philosophe s’évertue sa vie durant à ressasser la même thèse et à n’offrir au public que d’incessantes et nouvelles variations sur un même thème, alors il faut extrapoler et penser pareillement à l’endroit du peintre : il montre sans relâche le même univers, les mêmes affres qui l’affligent, les mêmes couleurs, la même palette, les mêmes objets, les mêmes symboles. Qu’il se soucie d’ontologie, de physiologie ou de métaphysique, Veličković affirme picturalement de semblables vérités : le solipsisme, la cruauté et la mort.
Texte extrait de « Splendeur de la catastrophe » de Michel Onfray, ed.Galilée, Paris