Wilson Trouvé subvertit donc les notions traditionnelles de peinture et de sculpture, annule la troisième dimension là où elle existe et la crée là où elle fait défaut. Ce processus de déstabilisation par subversion des repères et des catégories traditionnels joue aussi sur les notions de contraction et de dilatation, de débordement contrarié, d’excès. Il y est aussi question de mesure désirée mais contredite par la démesure du geste, de discipline imposée dans un univers de violence… À moins que ce ne soit le contraire : d’ordre compromis par l’entropie du monde. L’intérieur et l’extérieur cessent d’être perçus de façon contradictoire. Wilson Trouvé fait écho au célèbre propos de Breton définissant le surréalisme : « Tout porte à croire qu’il existe un certain point de l’esprit d’où la vie et la mort, le réel et l’imaginaire, le passé et le futur, le communicable et l’incommunicable, le haut et le bas cessent d’être perçus contradictoirement. » Wilson Trouvé reconnaît que son intérêt pour le mouvement cyclique entre le haut et le bas provient d’une réflexion sur le baroque et sur l’organisation du mouvement dans la composition des œuvres nées de ce courant de la peinture, mais aussi de la sculpture et de l’architecture de cette époque. On y trouve aussi, de façon évidente, une sympathie avec les réflexions de Duchamp sur l’« inframince ».
Il y a ainsi, chez Wilson Trouvé, une démarche qui s’apparente à la déconstruction telle qu’initialement formulée par Heidegger : « Cette tâche, nous la comprenons comme la destruction, s’accomplissant au fil conducteur de la question de l’être, du fonds traditionnel de l’ontologie antique. » Destruction immédiatement suivie d’une reconstruction, réhabilitant une pratique picturale longtemps vilipendée, puis retrouvée et adoptée au risque de flirter dangereusement – mais non sans délectation – avec les frontières du baroque ou du kitsch… D’où cette sensation constante, pour l’observateur des œuvres de Wilson Trouvé, d’être perpétuellement ballotté entre stabilité et instabilité, entre subjectif et objectif, entre effusion incontrôlée et retrait réflexif…
La structure orthogonale, plus ou moins lisible mais toujours sous-jacente, dans toutes les œuvres de Wilson Trouvé, renoue avec les modèles de Carl André ou de Donald Judd, mais elle est contredite, contrecarrée, contrebalancée, chahutée, contestée par la gestualité d’un Pollock qui les aurait fait passer par le traitement de ses drippings. Louis Doucet, 2008