Aliska Lahusen poursuit depuis des années une entreprise patiente et calme. Elle se sert des matériaux et de leur transformation pour donner des contours à ce qui échappe si souvent au pouvoir de l’action et à la volonté, au temps qui est insaisissable. Elle crée lentement des formes qui viennent des profondeurs de l’histoire et qu’elle arrache au passé pour les rendre à la vie présente. En faisant appel à ces formes lointaines, dans le passé ou dans l’ailleurs, en regardant là où subsiste une autre vision du temps, une autre manière de le vivre, non pas comme un continuum orienté mais comme un état et une succession d’états qui n’entretiennent pas de relation de causalité. Aliska Lahusen crée un monde de cercles et de retours. Ses «tambours» et ses «miroirs» brillent d’une couleur vive dont la profondeur vient des couches de laque superposées. Ses panneaux gris et mats, presque ternes, semblent habités par des êtres géométriques, par des courbes, par des flaques plus sombres ou plus claires. La chose surgit lentement devant les yeux du spectateur, sans confier son origine. L’essentiel est qu’elle soit là, que le lent travail soit encore une forme de méditation et que la caresse de la main sur la matière donne un sens au temps qui n’en a pas.
Laurent Wolf, Aliska Lahusen, la caresse tremblante du temps, (extrait)