The best artists of the French art scene

L'oeil du collectionneur

Interview de Bernard Magrez, le 3 mai 2016

1 - Votre premier achat ?

A l’âge de 13 ans, j’ai dû arrêter l’école et mon père m’a envoyé faire un CAP de scieur de bois à Luchon (Pyrénées) ; j’avais comme copain de chambrée François Pinault. Dès mes 16 ans, j’ai commencé à acheter des journaux d’art et je découpais tout ce qui concernait Van Gogh. J’ai toujours été fasciné par l’autoportrait à l’oreille bandée. A 20 ans, ayant monté ma première affaire, j’ai pu commencer une collection et la première pièce que j’ai acquise était un faux ! C’était un bronze animalier.

2 - Possédez-vous encore cette œuvre ?

Je la possède encore, c’était un taureau car j’étais passionné par la corrida.

3 - Passion ou spéculation ?

Uniquement passion et tout ce que j’ai entrepris l’a été avec le même élan.

4 - Un fil conducteur dans votre collection ?

Le seul et unique fil conducteur est l’émotion. J’achète ce que j’aime, c’est un choix personnel.

5 - Moderne ou contemporain ?

J’ai commencé ma collection par des bronzes animaliers du XIXe, par la suite j’ai été attiré par la peinture flamande du XVIIe, en particulier des natures mortes.  Plus tard, ma rencontre avec Bernard Buffet, en 1993, a changé mon regard. C’est à partir de ce moment-là, que j’ai constitué une collection d’art contemporain.

6 - Des ruptures dans votre collection ?

J’ai une âme de collectionneur et je peux changer de thèmes ou de sujets. Je possède également une collection de voitures. J’ai également eu une écurie de chevaux de course.

7 - Où achetez-vous ?

Principalement en galeries ; j’apprécie mes échanges avec Daniel Templon, Kamel Mennour, Emmanuel Perrotin… mais il m’arrive de rencontrer des artistes directement dans leurs ateliers car je les connais personnellement, JonOne par exemple et bien d’autres.

8 - Compulsif ou raisonné ?

Plutôt compulsif et c’est toujours l’émotion qui l’emporte.

9 - Votre dernier coup de cœur ?

Un bronze de Camille Claudel, La petite châtelaine

10 - Achetez-vous une œuvre ou un artiste ?

J’achète principalement une œuvre ; il m’arrive de passer des commandes à des artistes en leur donnant un thème (illustration de ma devise « Jamais renoncer ») et en les faisant travailler sur des valeurs. Le risque d’acheter un artiste est de tomber dans l’affect.

11 - L’artiste vivant qui vous touche le plus ?

Le regard de Claude Lévêque me touche, son rapport au monde qui l’entoure. Nous sommes différents mais sa vision est intéressante pour comprendre notre temps.

12 - Recherchez-vous des artistes qui entreront dans l’histoire de l’art ? en rupture ?

Non, ce n’est pas mon objectif. J’achète avant tout ce qui me touche.

13 - Le pourcentage d’artistes français dans votre collection ?

Ma collection est composée de 50% d’artistes français

14 - Si vous ne pouviez garder qu’une seule œuvre de votre collection ?

Ce serait un Christ de Livio Benedetti : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » de 4m de haut dans le parc du Château Pape Clément.

15 - Pouvez-vous nous citer quelques artistes que vous avez dans votre collection ?

Claude Lévêque, Xavier Veilhan, Yan Pei-Ming, Martial Raysse qui, lors d’une dernière rencontre m’a confié « j’aime serrer la main de quelqu’un qui a le même âge que moi ». Ça peut paraître banal, mais à 80 ans chacun, c’est une émotion singulière

16 - Une rencontre qui a changé votre œil ?

Ma rencontre avec Bernard Buffet a été déterminante.

17 - Revendez-vous des œuvres ?

Je n’ai jamais revendu une œuvre.

18 - Avez-vous déjà présenté tout ou partie de votre collection au public ?

 À l’Hôtel Labottière, hôtel particulier du XVIIIe siècle au cœur de Bordeaux, pour des expositions d’œuvres modernes et contemporaines, issues de collections publiques ou privées et des productions artistiques réalisées dans le cadre des résidences d’artistes. L’Institut Culturel a pour vocation de créer un espace original de diffusion culturelle, de rencontre, d’échange et de création, et de rendre l’art actuel plus accessible pour mieux le comprendre et mieux le ressentir dans un écrin fait de plaisir et de recueillement.

Au Château Pape Clément (Grand Cru classé de Graves), pour des colloques internationaux et des rencontres avec les acteurs de la sphère culturelle mais aussi du monde économique (artistes, intellectuels, historiens de l’art, critiques ou économistes).

19 - Faites-vous partie d’une association de collectionneurs ?

Non, aucune.

20 - Si vous étiez une œuvre d’art ?

Une peinture flamande